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Elline

l'île des exclus, tome 1 Isa


1844, Nouveau-Brunswick, La famille d’Isabelle coule des jours paisibles.

L’aînée Fanny, part étudier les arts en ville, et découvre l’indépendance, le libre arbitre, et la difficile place de la femme dans la société.

Ses parents et ses sœurs vivent dans un petit village, dans la commune de Tracardie, la lecture, la musique, les arts font partie de leur quotidien, tout comme la lèpre, qui fait de plus en plus de ravage.

Les médecins ne sont pas assez formés, la population panique. Un conseil de santé décide de mettre en place une léproserie, qui permettrait de prendre soin des malades.

Malheureusement tout ne sera pas idyllique, l’hôpital n’est rien d’autre qu’une vulgaire cabane, les médecins sont dépassés, des personnes saines, comme Isabelle, sont envoyés dans la léproserie.

Et dans le village, les familles des malades, elles aussi sont touchées par le malheur et l’exclusion.

Me revoilà avec un récit bien prenant, que les éditions Charleston et Leduc ont eu la gentillesse de me confier pour une lecture qui s’est révélée autant passionnante que bouleversante.

Un style avec des émotions qui ne nous laissent pas indemnes

Le style est soutenu, agréable, mais avec une pointe de mélancolie et en même temps une invitation au voyage, à la découverte. C’est un style très reposant, peut-être trop sur le long terme, et l’intrigue s’essouffle. Mais les personnages nous tiennent à cœur, nous surprennent, nous révoltent, nous attendrissent et c’est vraiment le moteur principal qui relance cette intrigue. Par contre, je tiens à féliciter le travail de recherche historique et d’information sur un sujet particulièrement difficile je trouve.

Beaucoup de sensibilité dans ce récit, dans les descriptions des sentiments des personnages, de leur vécut, des souffrances traversées. Quand Charlotte va au bord de l’océan, l’image de cette femme seule au bord de l’eau, les descriptions de ce qui l’entoure et ce qu’elle traverse en deviennent même poétique. L’intrigue alterne avec ces moments tristes/ mélancoliques, avec la légèreté de la vie de femme libérée chez Marjorie et l’angoisse/l’oppression de l’enferment et de la maladie sur l’île.

Isabelle n’est pas la seule victime de l’ignorance, la peur, l’injustice et l’humiliation, qui est un des fils conducteurs de cette histoire. Mais l’amour, la dévotion en est un également, Charlotte qui se meurt et dépérit car sa fille est séquestrée sur une île, le combat d’une fille mère pour élever seule et dignement sa fille, le cri du cœur d’une lépreuse qui veut sauver son nouveau-né de la maladie et également Rosalie et son combat envers de jeunes femmes démunies.

Une période de l’histoire qui reste dans l’ombre

Au début du récit on rencontre Isabelle, quelques années plus tard, une femme douce, intelligente, profondément consciente des qualités et défauts de la nature humaine. Un esprit profondément optimiste dans le fond, qui essaye toujours de retirer ce qu’il y a de meilleur dans chaque expérience. Pour elle, les personnes qui ont souffert sont celles qui savent le plus apprécier la vie.

Les parents d’Isabelle, Charlotte et Gus sont ouvert d’esprit, gentil et ne voient pas d’un bon œil toute cette agitation et cette peur qui commence à naître à cause des cas de lèpre de plus en plus nombreux.

La terreur s’installe lentement, dans le village, on dénonce, on ment, on vole, tout est bon pour trouver des boucs émissaires. Et la famille de Charlotte va rapidement en faire les frais lorsque l’on part à la chasse à la sorcière pour trouver les lépreux cachés. Une femme indépendante, métisse, cultivée et riche en plus, il faut s’en méfier, cela n’apporte que des mauvaises choses pour les habitants de ce village, et malheureusement Isabelle va en faire les frais.

Le début du récit s’accompagne de quelques explications sur le Nouveau Brunswick et bien sûr, sur la façon dont les lépreux pouvaient être traités, l’ennui et les humiliations publiques sont le quotidien de ces malheureux. L’auteur précise à de nombreuses reprises que l'histoire est inspiré de fait historique ayant eu lieu dans le Nouveau Brunswick, mais également dans l’histoire familiale de l’auteur.

Les passages parlant de la maladie sont difficiles, autant du point de vue des séquelles physiques importantes, que du point de vue des gens. De leur réactions, leur dégoût, leur tendance à expulser, humilier tous ceux qui de près ou de loin peuvent avoir cette maladie.

Des personnages travaillés et profondément vrais

Ce livre est présenté comme l’histoire d’Isabelle, et au final elle n’est pas autant présente que les autres personnages. Isabelle est le point de départ de toute cette situation, et cela a influencé son entourage. Le combat d’Isabelle contre les préjugés et l’humiliation, Charlotte et sa carrière refoulé de médecin, Marjorie l’indépendante qui vit de son travail mais est toujours jugée et critiquée, autant d’exemple, et il y en a d’autres, des femmes indépendantes que l’on rencontre.

Isabelle et Fanny sont les deux sœurs du couples qui vont vivre une année particulièrement riche en émotion qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Isabelle malgré la promiscuité, la peur de la maladie, la malnutrition, conserve une grande force morale tout au long de cette épreuve. Fanny la sœur d’Isabelle, est partie pour se perfectionner au dessin à Québec avec sa tante Marjorie, une féministe convaincue. Les passages avec Fanny adoucissent le récit, permettent de se remettre de moment angoissant lorsque l’on suit la détresse d’Isabelle.

Le père François est très investit auprès des plus démunis et il montre une force de caractère. Mais je m’attendais à plus de tempérament, de compassion, surtout quand il pense qu’Isabelle à la lèpre. Je m’attendais à plus d’impétuosité de sa part. Charlotte et Gus eux vont faire preuve de courage et ne vont essayer de survivre face à cette tragédie. Même si il est vrai, Charlotte est méconnaissable au fur et à mesure qu'avance l'histoire, elle a perdu sa joie de vivre et leur grand amour fusionnel va être mis à mal.

Les personnages sont vrais, avec leurs défauts, leurs qualités, leurs souffrances et apportent beaucoup de corps au récit et gonflent l’intrigue quand elle s’essouffle. Mais j’ai été bien surprise, je m’attendais à lire l’histoire de cette jeune fille, accusée à tort d’être une lépreuse, et en fait, c’est vraiment les destins croisés de plusieurs femme qui nous sont racontés, et de leur place dans une société où elles peuvent avoir des difficultés à s’affirmer, revendiquer leurs droits et leurs envies. J’espère que dans le prochain tome des personnages comme Rebecca ou Rosalie seront un peu plus développé, alors pour ce bon travail qui nous prend aux tripes un 8/10 est de rigueur.

L’île des exclus, tome 1, Isa, Sergine Desjardins, 2018, Charleston, Leduc

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