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Elline

La première Shamane


La première shamane

Les royaumes sont peu à peu conquis, l’Empire s’étend et grignote les terres et la culture des Shamans. Et ce malgré l’apparition des pierres noires, dont l’origine reste mystérieuse. Mais dont les capacités et leur lien avec les shamans leur apporte une aide non-négligeable pour limiter l’influence de l’Empire. Mais que sont-elles ? D’où viennent-elles ?

Personne ne le sait, instrument des bons ou mauvais esprits, elles ne sont pas signe d’une bénédiction. Mysha en a fait doublement les frais, elle est née sous une conjonction de lune particulière et le même jour une pierre est apparue. Si les membres du clan s’intéressent peu à elle, le shaman lui, voit en elle une menace certaine et est bien décidé à ne pas la quitter des yeux.

Mysha a grandi et le clan a fini par la rejeter, mis à part Nandhi, son ami. Pour elle sa balafre au visage et son animal totem en sont la principale raison. Mais sa destinée est plus complexe que ce qu’elle pense et d’autres ont déjà senti le vent du changement.

L’Empereur et le Grand Prêtre de l’Ordre du Serpent ont eu vent d’une ancienne prophétie, la venue d’une femme qui va bouleverser l’ordre établi, et sont bien décidé à trouver cette femme…

Encore un partenariat rondement mené avec Alter Real!! Cette couverture m'a tout de suite séduite, le jeu des couleurs autours de ce personnage. L'univers shamanique m'a séduit par son originalité et le fait que cela met tout à fait étrangement.

Une paix qui n’est qu’un écran de fumé

L’écriture est soignée, il y a une bonne gestion des descriptions des lieux et l’ambiance se créer facilement. Le prologue nous donne beaucoup de premières informations sur les capacités des shamans, leur importance dans la culture des premiers peuples. Mais également que de grands pouvoir impliquent beaucoup de respect et de responsabilité, et tous n’ont pas cette éthique.

Le système d’empire, est en contradiction avec l’univers des shamans que l’on associe naturellement à un système de clan ou de tribus (exactement ce que l’auteur a fait). C’est vraiment là-dessus que se positionne la majeure partie de l’intrigue, le conflit important entre les cultes ancestraux, proches des esprits et de la nature et la puissance brutale de l’empire fondé sur la croyance absolue en un dieu unique, et bien sûr, sans concession. L’Empire, monothéiste a mené la vie dure aux clans, qui eux, vénèrent plusieurs esprits. Si l’Empire souhaite maintenir la paix après des guerres de conquête brutale, l’Ordre du Grand Serpent quant à lui est bien décidé à ne laisser qu’un seul choix aux hésitants, se convertir ou mourir.

Les pierres noires, demeurent un mystère et ce même à la fin de ce livre, comment les shamans utilisaient leur pouvoir avant, comment sont-elles venues, pourquoi seuls certains élus peuvent les approcher. Autant de questions, de mystère les entourant dont j’aurais aimé avoir de premiers éléments de réponse car cela créer de nombreuses zones d’ombre ou d’incompréhension. Peut-être pour un prochain tome. J’aime particulièrement la mise en avant d’un pouvoir, de magie lié à la nature, les esprits, cela change énormément par rapport à beaucoup de récits ou la magie est moins palpable. On apprend rapidement que les femmes ne peuvent être shaman, hors Mysha, va contredire tous les croyances shamaniques.

Une histoire aux influences proches de nous

On ne peut nier les diverses influences de l’auteur, ces événements nous rappellent fortement la conquête de divers continent, en particulier le continent américain, mais aussi les diverses campagnes de christianisation forcée des peuples indigènes...

L’inspiration de l’auteur dans des faits de notre histoire est indéniable. La christianisation et la conquête des territoires africains et américains, les guerres incessantes avec les populations indigènes, la démolition de leur croyance allant parfois jusqu’à l’esclavage. Bref, je ne vais pas développer tout cela ou faire un cours d’histoire sur la colonisation, l’esclavage. Mais j’ai apprécié ces empreintes discrètes à notre histoire, cela nous donne des points de repère sur les personnages, leur façon de penser, le fonctionnement de la secte religieuse, on ne nage pas complètement en terrain inconnu. Mais parfois, c’est un peu trop connu, comme le peuple Chong, qui se rapproche la civilisation chinoise. Un côté prévisible dans ces cultures, trop proches de ce que l’on connaît.

Mais j’ai l’impression que cette façon de faire à un peu perdue l’auteur dans son récit. A beaucoup de moments, l’action avançait trop rapidement, l’auteur n’insiste pas assez sur les événements. Le problème, c’est que des moments intéressant de l’histoire, comme la fuite de Mysha, le passage de la mine d’or, la guerre dans la forteresse naine, l’apprentissage de Mysha n’est pas assez approfondi.

Les rêves de Mysha sont des passages étranges, que l’on ne comprend pas toujours. Et j’ai compris un peu tard dans le récit que cela là construisait dans son apprentissage de shaman, et de ce point de vue-là, c’est plus intéressant. Mais je regrette qu’il n’y ait pas eu de passage plus approfondi de son apprentissage, montré les difficultés dans l’utilisation de son pouvoir, le ressentit, en fait elle est très forte, très rapidement et sans conséquences. La magie, peu importe d’où elle vient, est complexe et nécessite de la difficulté et de l’effort dans l’apprentissage.

La place des femmes

Mysha, le protagoniste principal de cette histoire, est une fille de clan, plutôt assez bas dans l’échelle sociale des clans, orpheline et née le jour de plusieurs conjonctions obscures, elle vit le rejet et l’exclusion durant toute sa jeunesse. En plus de cela, son horizon s’obscurcit lorsque son animal totem lui est révélé, le shaman tellement désorienté, va l’associer à un mauvais présage et condamné Mysha à l’exclusion à vie, sans possibilité de pouvoir avoir une vie de famille et de femme. Elle va vivre de nombreuses épreuves, mutilation, tortures, humiliations, l’auteur ne lui épargne rien.

Lorsqu’elle décide de s’enfuir, elle part à la conquête d’un monde qu’elle ne connaît pas et qu’elle ne comprend pas. Elle met en avant avec son regard, naïf au départ, la conduite des hommes envers elle, le manque de respect envers sa condition de femme, mais surtout d’être humain. Comment peut-elle être esclave alors qu’elle est née libre ? A travers le parcours de Mysha, on développe la place des femmes, la surexploitation des populations, la fragilité des ethnies, etc, qui malheureusement à notre époque son encore d’actualité.

Ce livre met évidemment en avant la place de la femme dans la société. A travers Mysha, qui va passer de jeune femme soumise aux règles et lois de son clan à jeune femme sûre d’elle, qui a su s’affirmer. Il est toujours intéressant de mettre en avant des personnages féminins, ce n’est pas une première en fantasy, surtout une femme avec des pouvoirs magiques très puissant. Cependant, j’ai trouvé originale de mettre en avant des femmes guerrières, comme Yen Ti sa compagne, ce qui est plus rare, étant un domaine plus masculin en fantasy (la plupart du temps).

J’ai été moins fan de la romance entre les deux jeunes femmes. Leur relation évolue soudainement, il n’y a pas de palier, d’amour naissant, d’interrogation, de séduction, puis de révélation des sentiments. Leur relation brusque m’a dérangé et j’aurais aimé plus de romantisme (et oui, parfois, j’aime la romance).

On rencontre d’autres personnages dans l’histoire Durbran, Sientir, Vermenoir qui sont des personnages que je n’ai pas pu apprécier. Je n’ai pas réussi à accrocher à leur personnalité et ils n’ont pas pris la place dans l’histoire que j’attendais pour eux. La place forte que l’auteur a donnée aux femmes se fait de trop nombreuses fois au détriment de personnages secondaires masculins. Il est dommage d’avoir instauré une dimension manichéenne au côté féminin et masculin, je préfère les personnages avec de la subtilité.

J’avais oublié de vous parler des oiseaux totems et du chat !! Les animaux ont une place prépondérante dans cette histoire, gardien, guide, compagnons de route, on suit aussi bien leurs aventures que celle de Mysha. J’aime beaucoup suivre leur pensée, cela apporte quelque chose d’inédit dans l’histoire, un seul regret ! Pourquoi il n’y a pas eu plus d’animaux !

L’univers onirique et mythologique des shamans est séduisant et mérite de prendre plus de place dans les tomes suivant. L’auteur a construit des personnalités diverses et complexes autours de ces personnages, mais ils ne sont pas toujours assez mis en avant dans la trame de l’histoire. Donc voilà, une découverte prometteuse, mais qui a besoin de s’affiner, s’affirmer dans le style et les inspirations, un 6,5/10 d’encouragement !

La première Shamane, Alain Doré, 2019, ALTER REAL

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